Le milliardaire de Paris découvre que sa femme “morte” est vivante après 6 ans de deuil !

Partie 1

Les baies vitrées de mon penthouse offraient une vue imprenable sur la Tour Eiffel scintillante, mais pour moi, Paris n’était qu’un vaste cimetière de lumières froides. Je m’appelle Étienne Delacroix. À 45 ans, je possède un empire immobilier, des comptes en banque illimités et une réputation d’homme de fer. Mais ce soir-là, comme tous les soirs depuis six ans, je n’étais qu’un veuf hanté par le silence.

Mon appartement, avenue Montaigne, ressemblait plus à un musée qu’à un foyer. Marbre froid, art abstrait, silence pesant. C’était ici que je me cachais du monde.

Six ans. C’est le temps qui s’était écoulé depuis la mort d’Isabelle. Les journaux avaient titré sur le “Drame de la Côte d’Azur”. Une tempête soudaine, un yacht qui chavire au large de Saint-Tropez. Son corps n’avait jamais été retrouvé. Les garde-côtes avaient fini par abandonner, et j’avais dû me résoudre à organiser des funérailles avec un cercueil vide au Père Lachaise. J’étais resté de marbre face aux caméras, mais à l’intérieur, j’étais mort avec elle. Isabelle était la seule à voir l’homme derrière le milliardaire, la seule qui me faisait rire.

Depuis, ma vie n’était qu’une succession de conseils d’administration et de nuits blanches.

Le carillon de l’ascenseur privé a brisé le silence. Marc, mon chef de la sécurité, un ancien de la Légion étrangère, est entré. Son visage massif trahissait une légère hésitation.

— Monsieur Delacroix, dit-il doucement. Il y a quelqu’un en bas. Elle prétend avoir des informations sur Madame.

J’ai senti une bouffée de colère. Encore ?

— Une autre ? ai-je répliqué sèchement. Ça fait six ans, Marc. Les voyants, les escrocs, les fous… Chasse-la.

— J’ai essayé, Monsieur. Mais elle refuse de partir. Elle dit que c’est une question de vie ou de mort. Elle est jeune… Elle tremble comme une feuille, mais elle ne bougera pas.

Mon instinct me criait de la renvoyer, de retourner à mon whisky et à ma solitude. Mais il y avait quelque chose dans la voix de Marc. Une curiosité inhabituelle.

— D’accord, soupirai-je. Fais-la monter. Je lui donne cinq minutes. Pas une de plus.

Lorsque les portes de l’ascenseur se sont rouvertes, je m’attendais à voir une opportuniste sophistiquée. Au lieu de cela, c’est une gamine qui est sortie. Elle devait avoir 25 ans tout au plus. Noire, les cheveux tirés en un chignon désordonné, vêtue d’un jean usé et d’un sweat à capuche trop grand pour elle. Elle dénotait totalement dans le luxe froid de mon salon.

Elle serrait ses mains l’une contre l’autre, visiblement terrifiée. Mais quand elle a levé les yeux vers moi, j’y ai lu une détermination farouche.

— Vous avez cinq minutes, dis-je froidement en restant près de la baie vitrée. Parlez.

Elle a dégluti difficilement avant de lâcher d’une voix tremblante : — Votre femme est toujours vivante.

Les mots ont claqué comme un coup de fouet. J’ai plissé les yeux.

— Vous me faites perdre mon temps. Ma femme s’est noyée. C’est un fait juridique et médical. Sortez d’ici avant que je n’appelle la police pour tentative d’extorsion.

— Je l’ai vue, insista-t-elle, faisant un pas en avant. Pas il y a six ans. Le mois dernier. À Lyon.

— Qui êtes-vous ? ai-je grondé, ma patience s’effritant.

— Je m’appelle Noémie. Et je suis ici parce qu’elle est retenue contre sa volonté. Si vous ne l’aidez pas, ils vont finir par la t*er.

Je me suis approché d’elle, dominant sa petite silhouette de toute ma hauteur. — Prouvez-le.

Noémie a hésité. Marc a posé la main sur son holster, prêt à intervenir. Lentement, elle a fouillé dans la poche de son sweat et en a sorti un petit objet métallique qu’elle a tendu vers moi.

Un médaillon en argent.

Mon cœur a raté un battement. J’ai saisi l’objet, mes doigts soudainement engourdis. C’était le médaillon que j’avais offert à Isabelle le jour de notre mariage. Gravé à la main, avec nos initiales et la date. “Perdu en mer”, m’avait-on dit.

D’une main tremblante, je l’ai ouvert. À l’intérieur, la petite photo était abîmée par l’eau, mais c’était bien nous, souriants sur une plage de Corse. Le métal était rayé, usé, mais authentique.

Le sol semblait se dérober sous mes pieds. La logique hurlait “imposible”, mais l’objet dans ma main était réel.

— Où avez-vous eu ça ? ma voix n’était plus qu’un murmure rauque.

Noémie avait les larmes aux yeux. — Elle me l’a donné. Elle m’a supplié de vous trouver.

— Pourquoi Lyon ? Pourquoi maintenant ? Je tournais en rond dans la pièce, l’esprit en ébullition.

— Parce que les gens qui la détiennent la déplacent sans cesse, expliqua Noémie d’une voix basse. Ils ne veulent pas qu’on la trouve. Mais elle est vivante, Monsieur Delacroix. Elle est enfermée, surveillée. Ce n’est pas une disparition… c’est un enlèvement.

Je me suis figé face à elle. — Vous attendez de moi que je croie que l’une des femmes les plus connues de France a été vivante pendant six ans sans que personne ne le sache ?

— Vous ne le saviez pas parce que quelqu’un de puissant voulait qu’elle disparaisse, répliqua-t-elle avec une force soudaine. Elle n’est pas dans une cave sordide. Elle est cachée à la vue de tous.

— Qui ? Qui la détient ?

Noémie a baissé les yeux, terrifiée. — Je… je ne peux pas dire le nom ici. C’est trop dangereux. Mais je peux vous conduire à elle.

Le silence est retombé, lourd, électrique. Marc s’est avancé. — Monsieur, c’est peut-être un piège. Laissez-moi vérifier son passé. On ne peut pas…

J’ai levé la main pour le faire taire. Je regardais Noémie. Si elle mentait, c’était la mise en scène la plus cruelle de l’histoire. Mais si elle disait vrai… Si Isabelle était quelque part, vivante, en train de m’attendre…

J’ai serré le médaillon dans mon poing jusqu’à m’en faire mal.

— Tu as dit qu’elle était à Lyon ? demandai-je.

— Elle y était. Ils vont la bouger demain soir. Si on n’y va pas maintenant, on la perdra encore pour des années.

J’ai regardé Marc. La décision était prise. L’homme d’affaires rationnel venait de laisser place au mari désespéré.

— Marc, prépare le jet. Et sors l’armement lourd. On part pour Lyon. Tout de suite.

Noémie a écarquillé les yeux. — Vous… vous venez ?

J’ai attrapé ma veste, une lueur froide et dangereuse dans le regard que je n’avais pas eue depuis des années.

— Si ma femme est vivante, je vais brûler la terre entière pour la ramener à la maison. Et malheur à celui qui se trouvera sur mon chemin.

Partie 2

Le bourdonnement sourd des réacteurs de mon jet privé était le seul son qui meublait l’espace. Dehors, les nuages noirs s’amoncelaient au-dessus de la France, comme un présage de la tempête émotionnelle qui m’attendait. J’étais assis dans mon fauteuil en cuir, un verre de whisky intact posé devant moi. En face, Noémie s’était recroquevillée dans son siège, l’air minuscule au milieu de ce luxe ostentatoire. Elle regardait par le hublot, ses mains triturant nerveusement le bas de son sweat usé.

Je l’observais, cherchant la moindre trace de mensonge sur son visage. Si c’était une escroquerie, c’était la plus cruelle jamais imaginée. Mais le médaillon brûlait dans ma poche, une preuve tangible, froide et lourde, qui contredisait six années de deuil.

— Vous ne m’avez toujours pas dit qui la détient, rompis-je le silence, ma voix plus rauque que je ne l’aurais voulu.

Noémie sursauta légèrement, tournant son regard vers moi. Ses yeux étaient cernés, hantés par des choses qu’une fille de son âge ne devrait jamais voir.

— Si je prononce son nom maintenant, j’ai l’impression que le ciel va nous tomber sur la tête, murmura-t-elle. Ces gens… ils ont des oreilles partout. Même ici, j’ai peur.

Je me penchai en avant, plantant mon regard dans le sien. — Nous sommes à 10 000 mètres d’altitude, dans un appareil sécurisé. Il n’y a que vous, moi, et Marc. Dites-moi qui a volé la vie de ma femme.

Elle prit une profonde inspiration, ses lèvres tremblantes formant une ligne fine avant de lâcher le morceau.

— Henri Castel.

Le nom me frappa comme un poing dans l’estomac. Henri Castel. L’un des industriels les plus influents de la région lyonnaise, un homme politique en pleine ascension, un pilier de la société française. J’avais dîné avec lui. J’avais serré sa main. Il m’avait même envoyé une couronne de fleurs lors de la cérémonie funéraire d’Isabelle.

— C’est impossible, soufflai-je, bien que mon esprit connectât déjà les points. Castel est un homme public. Pourquoi prendrait-il un tel risque ?

— Parce qu’Isabelle avait découvert quelque chose, répondit Noémie avec une assurance soudaine. Elle ne m’a pas donné les détails, elle n’avait pas le temps. Mais elle m’a dit que ce qu’elle savait pouvait détruire non seulement sa carrière, mais tout un réseau. Ils ne pouvaient pas la laisser parler, mais ils ne pouvaient pas non plus la t*er sans risquer que la vérité ne sorte via un “système de sécurité” qu’elle avait mentionné. Alors, ils l’ont effacée.

Je me levai, faisant les cent pas dans l’étroit couloir de la cabine. La rage montait en moi, une marée noire et bouillante. L’hypocrisie de Castel. Les sourires de compassion. Tout cela n’était qu’une façade pour masquer un monstre.

— Comment avez-vous fini par travailler pour lui ? demandai-je.

— Je travaille pour une agence de nettoyage industriel, expliqua-t-elle en baissant les yeux. On nous envoie sur des gros contrats. Le manoir de Castel, dans les Monts d’Or, c’est immense. Ils ont besoin de personnel discret. Je suis “invisible” pour eux, Monsieur Delacroix. Une petite main qui frotte le sol. Ils ne font pas attention à ce qu’on entend ou ce qu’on voit, tant que le marbre brille.

Elle marqua une pause, sa voix se brisant. — Il y a un mois, j’ai été envoyée pour nettoyer la cave à vin. C’est une pièce magnifique, climatisée. Mais j’ai entendu des bruits derrière une étagère. Des pleurs. J’ai cru qu’il y avait un animal coincé. J’ai cherché… et j’ai trouvé le mécanisme.

Je m’arrêtai net, imaginant la scène. Ma femme, Isabelle, la lumière de ma vie, enfermée derrière un mur comme un secret honteux.

— Elle était… commença Noémie, cherchant ses mots. Elle était si maigre. Sale. Mais quand elle m’a vue, elle n’a pas crié. Elle m’a juste regardée avec une dignité incroyable et m’a tendu le médaillon à travers les barreaux. Elle m’a dit : “Trouvez Étienne. Dites-lui que je l’attends.”

Les larmes me montèrent aux yeux, brûlantes. Je détournai le regard vers le hublot pour cacher ma faiblesse. — Nous arrivons bientôt, dis-je simplement.

L’atterrissage à l’aéroport de Lyon-Bron fut rude, sous une pluie battante qui noyait la piste. Marc nous attendait au bas de la passerelle avec un SUV noir blindé qu’il avait fait louer en urgence. Il avait aussi récupéré deux sacs de sport noirs. Je savais ce qu’ils contenaient : de l’équipement tactique. Marc ne laissait rien au hasard.

Nous avons roulé en silence à travers la nuit lyonnaise. La ville des Lumières semblait sinistre ce soir-là. Les essuie-glaces battaient la cadence de mon cœur qui s’emballait. Chaque kilomètre nous rapprochant des Monts d’Or augmentait la pression sur ma poitrine.

— Écoutez-moi bien, dit Marc en regardant Noémie dans le rétroviseur. Une fois là-bas, vous restez derrière moi. Si ça tourne mal, vous courez. Vous ne vous retournez pas. Compris ?

Noémie hocha la tête, pâle comme un linge.

— Castel donne une réception ce soir à l’hôtel de ville, indiqua Marc en consultant sa tablette fixée au tableau de bord. La maison devrait être en effectif réduit. C’est notre seule chance.

— Il ne la laisse jamais seule, intervint Noémie. Il y a toujours des gardes. Des privés. Des types qui ne portent pas d’uniforme mais qui ont des armes sous leurs vestes.

— On s’en occupera, grognai-je.

Nous sommes arrivés aux abords de la propriété vers minuit. Le manoir de Castel était une forteresse moderne cachée derrière de hauts murs de pierre et une végétation dense. C’était le genre d’endroit qui criait “argent” et “pouvoir”, mais ce soir, il ne m’inspirait que dégoût.

Marc gara la voiture dans un chemin forestier, à l’abri des regards. La pluie tombait dru, transformant le sol en boue. Nous sommes sortis. L’air était froid, imprégné de l’odeur de la terre mouillée et des pins.

— Par où ? chuchotai-je à Noémie.

Elle pointa un doigt tremblant vers l’aile ouest de la bâtisse. — L’entrée de service, près des cuisines. Le code est 4589. Les livreurs l’utilisent tôt le matin. Si on passe par là, on évite les caméras principales.

Je pris une profonde inspiration. J’avais passé six ans à mourir à petit feu. Ce soir, soit je renaissais, soit je mourais pour de bon. J’enfilai une veste sombre que Marc me tendit, vérifiant le poids rassurant de l’arme automatique qu’il m’avait confiée – une chose que je n’avais pas touchée depuis mon service militaire, une autre vie.

— Allons chercher ma femme, dis-je.

Nous nous sommes glissés à travers les bois, ombres parmi les ombres. La pluie masquait le bruit de nos pas. Mon esprit était focalisé sur une seule image : le visage d’Isabelle. Je me demandais si elle me reconnaîtrait. Si elle m’en voulait d’avoir mis si longtemps. La culpabilité me rongeait les entrailles, mais je la transformai en carburant.

Arrivés près du mur d’enceinte, Marc neutralisa le système d’alarme périphérique avec un brouilleur. Nous avons franchi le mur avec une échelle télescopique. Une fois dans le jardin, le danger était omniprésent. Deux gardes faisaient une ronde avec des chiens. Nous nous sommes figés derrière une haie de lauriers, retenant notre souffle alors que les molosses passaient à quelques mètres.

Le cœur battant à tout rompre, nous avons atteint la porte de service. Noémie tapa le code. Un bip discret, puis le déclic mécanique. La porte s’ouvrit sur une cuisine industrielle plongée dans la pénombre.

— C’est par là, murmura Noémie. Vers la cave.

Nous étions à l’intérieur. Le ventre de la bête. Et quelque part sous nos pieds, Isabelle attendait, ignorant que son mari était venu brûler le monde pour elle.

Partie 3

L’intérieur du manoir était d’un silence oppressant, seulement troublé par le ronronnement des réfrigérateurs industriels. L’odeur de cire et de fleurs fraîches flottait dans l’air, un parfum de luxe qui me donnait la nausée. Noémie nous guida à travers les couloirs de service, évitant le grand hall où la lumière des lampadaires extérieurs filtrait à travers les rideaux.

Chaque craquement de parquet résonnait comme un coup de feu dans mes oreilles. Marc ouvrait la marche, son arme de poing tenue près du corps, ses mouvements fluides et précis. Je suivais, Noémie collée à moi.

— L’escalier de la cave est derrière cette porte, chuchota-t-elle en désignant une lourde porte en chêne massif.

Nous sommes descendus. L’air changea instantanément. Il devint plus frais, plus humide, chargé d’une odeur terreuse de vieux vin et de pierre froide. La cave à vin de Castel était immense, des rangées interminables de bouteilles millésimées dormant dans l’obscurité.

— Où est-ce ? demandai-je, balayant la pièce du faisceau de ma lampe torche tactique.

Noémie se dirigea vers le fond de la pièce, là où se dressait une immense étagère remplie de Bordeaux. Elle passa sa main derrière l’un des casiers, cherchant à l’aveugle.

— Il y a un levier… caché ici… Voilà.

Un déclic sourd se fit entendre. Lentement, lourdement, l’étagère entière pivota sur elle-même, révélant non pas un mur, mais un passage bétonné qui s’enfonçait encore plus profondément dans le sol. Ce n’était pas une cave à vin. C’était un bunker.

Mon sang se glaça. C’était ici qu’elle vivait ? Dans ce trou ?

Nous nous sommes engagés dans le couloir. Au bout, une porte en acier renforcé, digne d’une cellule de haute sécurité. Il y avait une petite lucarne grillagée. Je me précipitai, le cœur au bord de l’explosion.

Je regardai à travers la grille.

La pièce était sommaire. Un lit de camp, une petite table, des livres empilés, et une petite salle de bain ouverte. Et là, assise sur le lit, le dos tourné, une silhouette fragile.

— Isabelle…

Le mot sortit de ma bouche comme une prière brisée.

La silhouette se figea. Lentement, elle se tourna.

Le choc fut physique. Elle était d’une maigreur effrayante, ses pommettes saillantes, sa peau d’une pâleur cadavérique. Ses cheveux, autrefois son orgueil, étaient ternes et coupés court de manière inégale. Mais c’étaient ses yeux… ses yeux bruns, immenses dans ce visage émacié. Ils s’écarquillèrent de stupeur.

Elle se leva, vacillante, portant une main à sa bouche. — Étienne ? murmura-t-elle, sa voix si faible que je dus lire sur ses lèvres. C’est… je rêve encore ?

Marc fit sauter la serrure électronique avec un appareil de piratage connecté. La lumière verte clignota, et la porte s’ouvrit dans un grincement sinistre.

Je n’ai pas marché, j’ai couru. Elle s’effondra presque dans mes bras. Le contact de son corps, si frêle, si réel, me brisa. Je sentais ses os à travers son pull trop grand. Je sentais son odeur, changée par la captivité mais toujours la sienne.

— Tu es là, sanglotai-je, enfouissant mon visage dans son cou. Tu es vivante. Mon Dieu, tu es vivante.

Elle s’accrochait à moi avec une force désespérée, ses larmes mouillant ma veste. — Je savais que tu viendrais, souffla-t-elle. Je me le suis répété chaque jour pendant six ans. Étienne viendra. Étienne ne m’abandonnera pas.

Noémie restait dans l’embrasure de la porte, pleurant silencieusement. Marc surveillait le couloir, tendu.

— On doit partir, Monsieur, dit Marc d’une voix urgente. Maintenant.

Je reculai légèrement pour prendre le visage d’Isabelle entre mes mains. Je voulais mémoriser chaque détail, chaque cicatrice invisible. — On rentre à la maison, mon amour. C’est fini.

Mais alors que nous nous dirigions vers la sortie, un bruit métallique retentit. Lourd. Définitif.

CLANG.

La porte blindée du sas, en haut de l’escalier secret, venait de se verrouiller. Les lumières du couloir s’allumèrent brusquement, nous aveuglant.

Une voix amplifiée par un haut-parleur résonna dans le bunker, glaciale et teintée d’amusement.

— Quelle scène touchante. Les retrouvailles des amants maudits. Je dois admettre, Étienne, je ne pensais pas que tu serais assez fou pour venir personnellement.

— Castel ! hurlai-je, la rage remplaçant instantanément ma peur. Ouvre cette porte ! Tu es fini ! Tout le monde saura ce que tu as fait !

Un rire sec grésilla dans les enceintes. — Tu penses vraiment que je vais vous laisser sortir d’ici ? Isabelle est un “fantôme”, Étienne. Et toi… tu seras juste une autre tragédie. Un milliardaire dépressif qui s’est suicidé en découvrant que sa femme était morte. C’est une belle histoire pour la presse, non ?

Je regardai autour de moi. Nous étions piégés. Rats dans une cage. Marc cherchait frénétiquement une issue, testant les murs.

— Le gaz, dit calmement Castel. Dans cinq minutes, le système de ventilation va diffuser un neurotoxique inodore. Ce sera sans douleur. Un arrêt cardiaque. Propre. Adieu, mes amis.

Le bourdonnement de la ventilation changea de tonalité.

La panique menaçait de me submerger, mais le regard d’Isabelle me ancra. Elle n’avait pas peur. Elle avait survécu six ans à cet enfer.

— Il y a une sortie, dit-elle soudainement, sa voix reprenant une force inattendue.

Je me tournai vers elle. — Quoi ?

— Derrière le lit, dit-elle rapidement. J’ai passé deux ans à gratter le mortier avec une cuillère que j’ai volée. Il y a un vieux conduit d’évacuation des eaux pluviales qui date de la construction originale du château. Je n’ai jamais pu bouger le bloc de pierre seule… j’étais trop faible.

L’espoir, violent et sauvage, refit surface.

— Marc ! Le lit ! criai-je.

Nous avons renversé le lit de camp. Derrière, le mur de pierre semblait intact, mais Isabelle pointa une large dalle au niveau du sol. Le contour était effrité.

— Aidez-moi !

Marc et moi avons agrippé le bord de la pierre. Mes doigts glissaient, mais je pensais au gaz qui commençait déjà à s’infiltrer, invisible, mortel. Je pensais à Castel, sirotant son champagne là-haut pendant que nous mourions.

— À trois ! UN… DEUX… TROIS !

Nous avons tiré avec la force du désespoir. Mes muscles hurlaient, mes veines semblaient prêtes à éclater. La pierre bougea, d’abord d’un centimètre, puis racla le sol dans un bruit d’agonie minérale.

Un trou noir, étroit et humide, apparut. Une odeur de boue et de pourriture en émanait. C’était le plus doux parfum que j’aie jamais senti. C’était l’odeur de la liberté.

— Noémie, en premier ! ordonnai-je. Isabelle, ensuite !

Le sifflement du gaz devenait plus fort. Ma tête commençait à tourner légèrement.

— Vite ! Allez !

Noémie se glissa dans le trou. J’aidai Isabelle à s’y glisser. Elle me regarda une dernière fois avant de disparaître dans l’obscurité. — Suis-moi, Étienne. Je t’en supplie.

Marc passa. Je fus le dernier. Au moment où je me laissais glisser dans le boyau étroit, j’entendis le déclic final des verrous magnétiques de la porte principale qui se scellaient hermétiquement.

Je rampais dans la boue, l’obscurité totale m’enveloppant, guidé seulement par les bruits de frottement de ceux devant moi. Je laissais derrière moi ma vie d’avant, ma douleur, et mon deuil. Je rampais vers une nouvelle vie, et vers une vengeance qui serait terrible.

Partie 4

Le tunnel semblait interminable. L’air y était raréfié, saturé d’humidité et de moisissure. Mes genoux et mes coudes étaient en sang, écorchés par la pierre brute, mais je ne ressentais aucune douleur. Juste l’urgence primitive de survivre et de protéger celle qui rampait devant moi.

Au bout de ce qui me parut être une éternité, un filet d’air frais nous frappa le visage. Noémie, en tête, poussa une grille métallique rouillée. Elle céda avec un grincement plaintif, tombant dans les broussailles à l’extérieur.

Nous avons émergé en pleine forêt, à flanc de colline, loin des lumières du manoir. La pluie tombait toujours, glaciale, lavant la boue de nos visages. J’aidai Isabelle à se hisser hors du trou. Elle tremblait violemment, ses jambes cédant sous son poids. Je la pris dans mes bras, la serrant contre moi pour lui transférer ma chaleur.

— On l’a fait, haleta Marc, le visage couvert de terre, vérifiant son arme par réflexe. On est dehors.

— La voiture est à deux kilomètres, dis-je, reprenant mon rôle de leader. Marc, ouvre la voie. Noémie, restez près de moi.

La marche retour fut un calvaire. Isabelle était à bout de forces. Je dus la porter sur la moitié du chemin. Elle posa sa tête sur mon épaule, et je sentis ses larmes chaudes couler dans mon cou. — Je pensais ne plus jamais revoir le ciel, murmura-t-elle. Même sous la pluie… c’est magnifique.

Lorsque nous avons atteint le SUV, nous nous sommes effondrés à l’intérieur. Marc démarra en trombe, les pneus crissant sur l’asphalte mouillé. Nous n’étions pas encore en sécurité tant que nous étions dans la région de Lyon. Castel avait la police locale dans sa poche.

— Direction Paris, ordonnai-je. Pas d’arrêt. Pas d’hôtel. On va directement à la clinique privée Saint-Cloud. J’appelle mon équipe médicale.

Sur l’autoroute, alors que l’adrénaline retombait, la réalité nous rattrapa. Je regardai Isabelle, endormie d’épuisement sur la banquette arrière, sa main agrippée à la mienne comme à une bouée de sauvetage. Noémie dormait aussi, recroquevillée à l’avant.

Je sortis mon téléphone crypté. Il était temps de passer à l’offensive. Je n’allais pas appeler la police. Pas tout de suite. Castel s’en sortirait avec des avocats. Non, je voulais l’anéantir totalement.

J’appelai mon directeur des relations publiques et mon chef du contentieux. — Réveillez tout le monde, dis-je calmement. Je veux une conférence de presse demain à 9h00. Et contactez le procureur général. Dites-lui que j’ai des preuves d’enlèvement, de séquestration et de tentative de meurtre contre Henri Castel. Et préparez les médias. Je veux que son visage soit sur tous les écrans du monde avant midi.

Les jours qui suivirent furent un flou médiatique et médical. L’histoire d’Isabelle explosa comme une bombe nucléaire en France. “La résurrection de la Dame de Fer”, titraient les journaux.

Castel tenta de fuir en Suisse, mais mes équipes avaient déjà gelé ses avoirs offshore grâce à des informations qu’Isabelle avait mémorisées pendant toutes ces années. Il fut arrêté à la frontière, menotté devant les caméras, hurlant au complot. Mais les preuves trouvées dans le bunker – ADN, empreintes, et le journal intime qu’Isabelle avait caché – étaient irréfutables.

Mais tout cela, le bruit, la fureur, la justice, me semblait lointain. Ma seule réalité était la chambre 402 de la clinique.

Trois semaines plus tard.

J’étais assis sur la terrasse de notre maison de campagne en Provence. Loin de Paris. Loin des souvenirs du penthouse froid. Le soleil de fin d’après-midi baignait les vignes d’une lumière dorée.

Isabelle s’approcha doucement. Elle marchait encore avec une canne, et sa maigreur était encore visible, mais ses cheveux repoussaient, et ses joues avaient retrouvé un peu de couleur. Elle posa sa main sur mon épaule.

— Tu penses à quoi ? demanda-t-elle doucement.

Je pris sa main et la portai à mes lèvres. — Je pense au temps qu’on a perdu. Six ans, Isabelle… On ne les rattrapera jamais.

Elle s’assit à côté de moi, tournant mon visage vers le sien. — Non, on ne les rattrapera pas. Mais regarde-nous. On a survécu. Ils ont essayé de nous briser, de nous effacer. Et pourtant, nous sommes là.

Un rire cristallin retentit depuis le jardin en contrebas. Noémie jouait avec le chien que nous venions d’adopter. J’avais offert à Noémie non seulement une récompense qui la mettait à l’abri du besoin pour dix vies, mais aussi une place dans notre famille. Elle reprenait ses études de droit à la rentrée, financées par ma fondation. Elle voulait devenir procureure, pour “enfermer les monstres comme Castel”.

Je regardai Isabelle. La douleur était toujours là, tapie dans l’ombre, les cauchemars nous réveillaient encore la nuit. Mais nous étions ensemble.

— Tu sais, dit-elle en touchant le médaillon qui ne quittait plus son cou. Dans cette cellule, quand je croyais devenir folle, je me souvenais de ta promesse de mariage. “Pour le meilleur et pour le pire”.

Je souris, les larmes aux yeux. — J’ai failli échouer.

— Non, dit-elle fermement. Tu es venu. Tu as brûlé le monde pour moi, Étienne.

Je la serrai contre moi, regardant le soleil se coucher sur les collines de Provence. Le cauchemar était fini. La vie, la vraie, pouvait enfin recommencer.

J’avais retrouvé ma femme. J’avais retrouvé mon cœur. Et cette fois, je ne laisserais plus rien ni personne nous séparer.

FIN

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